La chimie émotionnelle
de Curl
Lorsqu’il fonde Curl en 1996, Frank A. Amendola possède
un background rock / new –wave. Mais le niçois se convertit
très rapidement aux nouvelles approches de la musique électronique
. « C’est une révolution mais pas une perte d’identité
» : la vague bristolienne lui a fait prendre conscience en
mode accéléré de quelle façon produire
ce qu’il a toujours voulu exprimer.
Première station
Si les côtés obscurs de sa personnalité demeurent
une composante essentielle de la création, Curl les rend
en positif grâce à une assimilation agile des rythmes
hip hop, les textures « ambient » et une pérennité
du format pop. Sur scène , la présence d’une
chanteuse , la dimension électrique de la formation (Frank
est à la guitare, une rythmique basse/batterie tourne à
plein) se mélant aux machines sont ,déjà, un
atout.
Dès le premier album autoproduit "Ultimate Station"
en 1997, Franck commence à jeter les bases de son autonomie.
Les retours sur ce premier essai ne se font pas attendre : Curl
est invité au festival de Cannes (MARTINEZ) puis sur la scène
Découverte du Printemps de Bourges 98. Les Ailes Bleues,
sélection 99, les placent aux Transmusicales de Rennes 98
, (live qui demeurera un des meilleurs souvenirs scéniques).
Enfin , Curl est sélectionné pour le FAIR 2000.
Le buzz prend et les opportunités s’enchaînent.
Côté presse, Magic, L’Indic et Coda ne passent
pas à côté de cette formation "trip hop"
(comme on dit à l’époque), et le magazine Nouvelle
Vague, les complices indépendants niçois, relatent
allègrement l’aventure.
S’ensuit le maxi Club 99, qui mène Curl vers un son
plus dancefloor, histoire d’éprouver les limites du
projet.
Enfin, en 1999, Curl s’attaque à l’écriture
d’un nouvel album. Dans les nouvelles chansons, le monde semble
trembler à chaque frémissement de fréquence.
Frank est chimiste : on comprend plus aisément les traitements
qu’il fait subir sa production. Les masses musicales y sont
tour à tour
liquides et gazeuses, se résolvant en tourbillons ou s’évaporant
pour le laisser planer qu’un parfum impalpable. La rythmique
drum’ n bass s’y fait aussi une place de choix, avec comme
repère tangible la voix de Chrystelle Fino, nouvelle chanteuse
au grain de voix se rapprochant de celui de Dot Allison ou encore
Louise Rhodes de Lamb.
Inner…
Des tentatives avec des producteurs de renom, riches en enseignements
mais infructueuses, alimenteront entre 2001 et 2003 la réputation
d’arlésienne de ce nouvel opus qu’on devine d’ores
et déjà bien plus abouti et plus indéfinissables
que les précédentes œuvres du groupe : «
Coller une étiquette de style sur Inner… serait un non
sens » avoue Frank. Pourtant, les faits sont simples, dans
un premier temps : le leader de Curl, véritable maître
d’œuvre du projet, et ses acolytes désirent la
perfection et le résultat ne les satisfont pas. « Nous
n’avons pas hésité à stopper trois semaines
de mixage à Paris car artistiquement ça ne nous ressemblait
plus du tout ».
Curl se soude alors singulièrement autour de cet enregistrement.
« Nous sommes devenus très complémentaires dans
notre façon de fonctionner aujourd’hui. J’ai travaillé
en étroite collaboration avec Dubberman, qui a particulièrement
poussé les arrangements de séquences, de samples,
de rythmiques… Et Chrystelle a guidé le montage, le
placement et les choix des effets sur ses prises de voix ».
Une fois que le studio La Chaise Bleue (structure de production)
et le talent de Curl auront donné leur maximum, ce seront
les atermoiements de l’industrie du disque qui ralentiront
encore l’album d’un an : on est alors au début
de la crise liée au piratage et au téléchargement
de contenus musicaux... Le groupe choisit alors à nouveau
l’auto-production.
Entretemps, la conception de la fille de Chrystelle et Frank doublera
chronologiquement celle de l’album : « Il y a eu une
concordance étrange entre le titre de l’album Inner…
(à l’intérieur de…), choisi depuis le début
de l’écriture (1999) et l’arrivée du bébé…»
fait remarquer Frank. «… dans le livret , il y a un clin
d’œil . Il était important pour nous de marquer
l’événement ».
Avec cette naissance, le couple semble encore plus motivé
à l’idée de défendre Inner… sur scène.
Pour ce nouveau départ devant le public, la dimension électrique
sera à nouveau bien présente.
Chrystelle , Frank et Dubberman (complice de toujours aux programmations)
sont soutenus à la rythmique par Yves Pleizer (batterie)
et Seb Adnot (basse et contrebasse). Frank explique : « il
serait incohérent de passer quatre ans à travailler
un album dans une direction et puis se retrouver en live dans une
toute autre configuration. Aujourd’hui, Curl c’est aussi
cette fusion. Le défi de pouvoir reproduire le plus fidèlement
possible Inner… sur scène ».
Hervé Lucien
document Element Music Publishing janvier 2004
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